Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein,
Plus vieux, plus décrépits que la terre inféconde,
Châtrés dès le berceau par le siècle assassin
De toute passion vigoureuse et profonde.
Votre cervelle est vide autant que votre sein,
Et vous avez souillé ce misérable monde
D’un sang si corrompu, d’un souffle si malsain,
Que la mort germe seule en cette boue immonde.
Où, sur un grand tas d’or vautrés dans quelque coin,
Ayant rongé le sol nourricier jusqu’aux roches,
Ne sachant faire rien ni des jours ni des nuits,
Noyés dans néant des suprêmes ennuis,
Vous mourrez bêtement en emplissant vos poches.
Leconte de Lisle
Charles- Marie Leconte de Lisle |
Charles- Marie Leconte de Lisle (1818- 1894) publie en 1862 un recueil de 81 poèmes intitulé « Poèmes barbares ». « Aux modernes » est l’un de ces poèmes.
D’une grande modernité, ce poème, en effet. Il est toujours fascinant d’observer à quel point la cupidité peut étouffer toute éthique, droiture ou remords. Un bénéfice financier justifie encore pleinement les actions les plus indignes. Les temps changent, mais l’homme reste fidèle à lui-même…
Il y a-t-il encore une oreille quelque part pour écouter la voix ténue d’un poète ?
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