Heureusement, il y a le silence. Après le tumulte, la vaine agitation et les mots inutiles – le quotidien, quoi – vient enfin le silence. Discret, il sait se faire oublier. Tapi dans l’ombre de nos chimères, il attend son heure. Il ne demande rien d’autre, le silence, sachant qu’il sera de toute façon notre dernier compagnon de voyage. Quand nos certitudes nous auront abandonnés. Pourtant, nous avons eu notre chance. Au temps où la parole ardente coulait à flots, nous aurions pu nous ménager des berges de sérénité où ancrer l’essentiel : les mots qui déchirent et ceux qui guérissent, le doux et l’amer, le profond et le futile. Mais nous avons préféré nous réfugier derrière les bruits du monde et leurs rassurantes banalités. Quand les mots, incapables désormais de se formuler, butaient sur la barrière de tes lèvres, nous nous sommes pris les mains, faisant de nos bras des ponts que ne traversaient plus que nos regards fatigués. Il nous restait nos yeux pour dire une vie. Avec le silence pour seul témoin. Quand une moitié du pont a été emportée, l’autre s’est retrouvée les bras tendus vers le vide. L’abîme où viennent s’échouer les regrets. Les yeux tournés vers le ciel, voilà qu’elle essaie maintenant de créer des ponts vers l’infini. Avec l’espoir d’y trouver les prémices d’une éternité promise. Là-haut, tout paraît immuable. Figé dans un ordre qu’aucune fureur humaine ne saurait déranger. Rien que du silence. Les choses deviennent éternelles quand on prend de la distance.
La chronique de Jean Pinesi, journal « Coopération » numéro 9 du 24 février 2015.
Jean Pinesi |
Un texte sensible, qui m’a beaucoup touchée. Les mots ont le pouvoir de réveiller les souvenirs enfouis et le silence accompagne encore ma réflexion…
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