samedi 21 avril 2012

Notre-Dame de Paris - Victor Hugo


Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée. Au-dessous de cette flamme, au-dessous de la sombre balustrade à trèfles de braise, deux gouttières en gueules de monstres vomissaient sans relâche cette pluie ardente qui détachait son ruissellement argenté sur les ténèbres de la façade inférieure. À mesure qu’ils approchaient du sol, les deux jets de plomb liquide s’élargissaient en gerbes, comme l’eau qui jaillit des mille trous de l’arrosoir. Au-dessus de la flamme, les énormes tours, de chacune desquelles on voyait deux faces crues et tranchées, l’une toute noire, l’autre toute rouge, semblaient plus grandes encore de toute l’immensité de l’ombre qu’elles projetaient jusque dans le ciel. Leurs innombrables sculptures de diables et de dragons prenaient un aspect lugubre. La clarté inquiète de la flamme les faisait remuer à l’œil. Il y avait des guivres qui avaient l’air de rire, des gargouilles qu’on croyait entendre japper, des salamandres qui soufflaient dans le feu, des tarasques qui éternuaient dans la fumée. Et parmi ces monstres ainsi réveillés de leur sommeil de pierre par cette flamme, par ce bruit, il y en avait un qui marchait et qu’on voyait de temps en temps passer sur le front ardent du bûcher comme une chauve-souris devant une chandelle.

Sans doute ce phare étrange allait éveiller au loin le bûcheron des collines de Bicêtre, épouvanté de voir chanceler sur ses bruyères l’ombre gigantesque des tours de Notre-Dame.


Extrait du livre : « Notre-Dame de Paris » de Victor Hugo


Le récit se déroule au moyen-âge. On y retrouve les célèbres personnages que sont la belle Esmeralda, Quasimodo le bossu, l’archidiacre Frollo, entre autres. Mais aussi Paris, sa cathédrale Notre-Dame et le quartier de la Cour des Miracles qui ont, eux aussi, l’ampleur de véritables personnages.
Dans cet extrait, le registre fantastique fait des merveilles, animant la pierre, lui insufflant une dimension inquiétante et mystérieuse. Créatures insaisissables, enfantées par les recoins sombres de l’imaginaire des hommes…
C’est ce roman, publié en1831, qui a inspiré la comédie musicale de Luc Plamondon.

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