Tous les
yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était
extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la
rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers
avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse
dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée. Au-dessous de
cette flamme, au-dessous de la sombre balustrade à trèfles de braise, deux
gouttières en gueules de monstres vomissaient sans relâche cette pluie ardente
qui détachait son ruissellement argenté sur les ténèbres de la façade
inférieure. À mesure qu’ils approchaient du sol, les deux jets de plomb liquide
s’élargissaient en gerbes, comme l’eau qui jaillit des mille trous de
l’arrosoir. Au-dessus de la flamme, les énormes tours, de chacune desquelles on
voyait deux faces crues et tranchées, l’une toute noire, l’autre toute rouge,
semblaient plus grandes encore de toute l’immensité de l’ombre qu’elles projetaient
jusque dans le ciel. Leurs innombrables sculptures de diables et de dragons
prenaient un aspect lugubre. La clarté inquiète de la flamme les faisait remuer
à l’œil. Il y avait des guivres qui avaient l’air de rire, des gargouilles
qu’on croyait entendre japper, des salamandres qui soufflaient dans le feu, des
tarasques qui éternuaient dans la fumée. Et parmi ces monstres ainsi réveillés
de leur sommeil de pierre par cette flamme, par ce bruit, il y en avait un qui
marchait et qu’on voyait de temps en temps passer sur le front ardent du bûcher
comme une chauve-souris devant une chandelle.
Sans doute
ce phare étrange allait éveiller au loin le bûcheron des collines de Bicêtre,
épouvanté de voir chanceler sur ses bruyères l’ombre gigantesque des tours de
Notre-Dame.
Extrait du
livre : « Notre-Dame de Paris » de Victor Hugo
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Le récit
se déroule au moyen-âge. On y retrouve les célèbres personnages que sont la belle
Esmeralda, Quasimodo le bossu, l’archidiacre Frollo, entre autres. Mais
aussi Paris, sa cathédrale Notre-Dame
et le quartier de la Cour
des Miracles qui ont, eux aussi, l’ampleur de véritables personnages.
Dans cet
extrait, le registre fantastique fait des merveilles, animant la pierre, lui
insufflant une dimension inquiétante et mystérieuse. Créatures insaisissables,
enfantées par les recoins sombres de l’imaginaire des hommes…
C’est ce
roman, publié en1831, qui a inspiré la comédie musicale de Luc Plamondon.
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