Avec la peste, la famine, les tremblements de terre qui ont
fait depuis des siècles tant de victimes innocentes, un des fléaux de
l’humanité souffrante, ce sont les dîners d’hommes. Les hommes m’ennuient souvent.
Je les trouve arrogants, prétentieux, très sûrs d’eux, la mine trop souvent
grave. Je ne sais pas pourquoi je leur préfère les femmes.
À la réflexion, je sais très bien pourquoi. Les hommes
parlent très fort. La voix des femmes est douce. Les hommes croient toujours
qu’ils ont raison. Ce que les femmes font le mieux, c’est d’avoir parfois tort.
Les hommes hésitent depuis la nuit des temps entre l’amour et la guerre. Les
femmes aiment mieux l’amour. La grande occupation des hommes – quel ennui !
– est de gagner de l’argent. Les femmes ont un talent étonnant pour le
dépenser. Or dépenser de l’argent n’est pas seulement autrement amusant que de
le gagner, mais encore beaucoup plus élégant moralement et beaucoup plus utile
à la communauté.
Les hommes cultivent les lois, les règles, les principes.
Les femmes se sentent beaucoup plus libres à l’égard des règlements et – sauf
les raseuses- elles se moquent bien des principes : elles ont des
sentiments. Et de temps en temps, de ces passions dévorantes qui sont le sel de
la terre.
Enfin, les hommes lisent surtout des rapports et des
contrats. Les femmes, chacun le sait, lisent surtout des romans. J’ai toujours
préféré les romans aux contrats.
J’admire les femmes. Elles sont toutes belles, généreuses,
toujours portées au sacrifice. Un exemple, un seul : leur ardeur à
rechercher l’égalité avec les hommes. Quel dévouement ! Quelle
abnégation ! Elles leur sont si supérieures. La preuve : jusqu’à
présent au moins, ce sont elles qui sont chargées de porter l’humanité à venir.
Il ne viendrait à l’idée de personne de confier cette lourde tâche à un homme,
si distingué fût-il.
Avant les hommes étaient au fond des mines, à l’usine, au
bureau et elles à la maison, à la cuisine, à l’église et avec les enfants. De
nos jours, elles sont aussi à l’usine et au bureau – mais elles sont toujours,
et en plus, à la maison, à la cuisine, à l’église et avec les enfants.
Il m’arrive de me dire que les hommes – regardez-les –ne
sont rien d’autre qu’une erreur. Les femmes sont là pour la réparer.
Ce que j’ai le plus aimé dans ma vie, plus que le ski,
beaucoup plus que la politique, et même sans doute plus que les livres, c’était
de trahir mon propre camp et de passer dans celui des femmes. Pour les aider
contre les hommes. Contre les autres bien sûr. Et quelques fois contre les
leurs.
Jean d’Ormesson
Chronique extraite du journal suisse « Fémina » du 23
septembre 2012,
Le
texte original manuscrit est à lire sur www.femina.ch/jean-dormesson.
L’auteur :
Jean d’Ormesson est né en 1925 à Paris. Il est un écrivain-
philosophe prolifique, éditorialiste (il
a été directeur du journal « Le Figaro », et y publie encore
chaque semaine une chronique), et a tout récemment joué le rôle du président
François Mitterrand dans le film de Christian Vincent « Les saveurs du
palais ». Il est membre de l’Académie française depuis 1973.
Mon avis :
Voilà un texte qui met du baume à notre petit cœur,
mesdames ! On reconnaît la plume espiègle de Jean d’Ormesson. Quel
charmeur… Il est vrai qu’il a pris le parti de femmes, parfois envers et contre
tous, puisqu’il a proposé et défendu la candidature de Marguerite
Yourcenar à un siège de l’Académie
française. Elle fut la première femme admise,
en 1980…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire