Voici le passage du livre qui est à l’origine du sentiment de trahison ressenti par Heathcliff envers Catherine. C’est un moment charnière dans l’histoire, un malheureux quiproquo, qui renferme les clés de son besoin obstiné de vengeance...
La narratrice est Nelly, l’employée de maison. Catherine lui fait des confidences intimes:
[…]
J’entrai dans la cuisine et m’assis pour endormir doucement mon petit agneau. Heathcliff, croyais-je, était allé dans la grange.
Je compris plus tard qu’il avait simplement passé derrière le banc à haut dossier ; il s’était jeté sur une banquette le long du mur, loin du feu, et y demeurait silencieux.
Je berçais Hareton sur mes genoux en fredonnant une chanson qui commençait ainsi :
Sous le plancher, les souris entendaient,
En pleine nuit, les bébés qui pleuraient,
Quand Miss Cathy, qui, de sa chambre, avait écouté l’altercation, passa la tête et murmura :
—Êtes-vous seule, Nelly ?
—Oui, miss, répondis-je.
Elle entra et s'approcha du foyer. Je la regardai, supposant qu'elle allait dire quelque chose. Sa phy-sionomie semblait troublée et inquiète. Ses lèvres étaient entrouvertes, comme si elle voulait parler ; mais, au lieu d'une phrase, ce fut un soupir qui s'en échappa. Je repris ma chanson ; je n'avais pas oublié ses récents faits et gestes.
—Où est Heathcliff ? demanda-t-elle en m'interrompant.
—A son travail à l'écurie.
Il ne me contredit pas ; peut-être somnolait-il. Un autre long silence suivit, pendant lequel j'aperçus une larme ou deux couler de la joue de Catherine sur les dalles. « Regrette-t-elle sa honteuse con-duite ?me demandai-je. Ce serait une nouveauté. Mais elle en arrivera au fait comme elle voudra, ce n'est pas moi qui l'aiderai ! » Non, elle s'inquiétait peu de tout ce qui ne la concernait pas personnellement.
—Oh ! mon Dieu, s'écria-t-elle enfin, je suis bien malheureuse !