Dont les uns sont entiers et ne sont guère blancs ;
Les autres, des fragments noirs comme de l’ébène
Et tous, entiers ou non, cariés et tremblants.
Comme dans la gencive ils ne tiennent qu’à peine
Et que vous éclatez à vous rompre les flancs,
Non seulement la toux, mais votre seule haleine
Peut les mettre à vos pieds, déchaussés et sanglants.
Ne vous mêlez donc plus du métier de rieuse ;
Fréquentez les convois et devenez pleureuse :
D’un si fidèle avis faites votre profit.
Riez tout votre soûl, riez, vilaine bête :
Pourvu que vous creviez de rire, il me suffit.
L’auteur :
Paul Scarron |
Paul Scarron est né en France en 1610. Il commence par choisir la voie ecclésiastique et devient le secrétaire de l’évêque du Mans. Mais à 28 ans, il est atteint d’une grave maladie extrêmement handicapante que l’on suppose être la spondylarthrite ankylosante. Elle le laisse tordu sur une chaise roulante, perclus de douleurs.
En 1643, il se tourne vers l’écriture. Son œuvre, caractérisée par un style burlesque et parodique, comptera des poèmes, des pièces de théâtre, des comédies.
Madame de Maintenon |
A 42 ans, il épouse une jeune fille orpheline de 16 ans, absolument sans le sou, Françoise d’Aubigné (qui entrera, après son veuvage, dans les annales de l’histoire sous le nom de Madame de Maintenon, compagne de Louis XIV). Scarron et sa jolie compagne tiendront un salon très couru à Paris : la vivacité d’esprit de l’auteur, sa parole déliée, ainsi que le savoir-vivre de Françoise sont très appréciés des personnalités de l’époque.
Paul Scarron décède en 1660.
Le poème :
Scarron crée dans ce poème un irrésistible effet comique dû à la mise en rimes dans un texte au classicisme étudié, d’une attaque parfaitement discourtoise sur l’aspect physique d’une femme. N’oublions pas que le poème est la forme préférée des amoureux qui veulent déclarer leur flamme ! Scarron joue donc sur ce décalage incongru et se moque d’elle sans aucune retenue, d’une manière très inconvenante. Car elle en prend plein les chicots, la pauvre Hélène… Il a vraiment la dent extrêmement dure avec elle : dans le dernier vers, l’auteur crache son venin avec tant de méchanceté, qu’il va même jusqu’à souhaiter sa mort…
Qu’est-ce qu’elle a bien pu lui faire pour qu’il nourrisse une telle hargne contre elle? Mystère, je n’ai trouvé aucun renseignement sur l’identité d’Hélène, la mal nommée, puisqu’elle semble très éloignée de la légendaire beauté de son homonyme antique, pour laquelle tant de valeureux guerriers ont sacrifié leur vie. D’ailleurs, il y a bien des chances pour que ce prénom ait simplement été choisi par goût du jeu…
Malgré cette suite cruelle d’impertinences, on ne peut s’empêcher de sourire à cette incroyable goujaterie ! Courage, Hélène, serre les dents…ou ce qu’il t’en reste.
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