Elles partageaient la douleur à présent. Comme deux sœurs
siamoises, elles se serraient l’une contre l’autre dans une symbiose composée
d’amour et de haine. D’une part, ne pas être seule dans l’obscurité créait un
sentiment de sécurité. D’autre part, du désir d’échapper au mal jaillissait une
hostilité, une envie que la douleur soit destinée à l’autre à la prochaine
venue de l’homme.
Elles ne parlaient pas beaucoup. Leurs voix résonnaient de
façon trop lugubre ici dans les ténèbres aveugles. Lorsque les pas
s’approchaient, chacune partait de son côté, elles abandonnaient les bras et la
peau de l’autre qui avaient été leur seule protection contre le froid et le
noir. Alors tout ce qui comptait était d’esquiver la douleur et elles
s’affrontaient dans une lutte pour que ce soit l’autre qui se retrouve entre
les mains de l’être malveillant.
Cette fois-ci, elle gagna et elle entendit les cris
commencer. D’une certaine façon, c’était presque tout aussi horrible d’être
celle qui était épargnée. Le bruit des os qui se brisaient était bien gravé
dans sa mémoire et elle ressentit dans son propre corps chaque cri de l’autre
fille. Elle savait aussi ce qui venait après les cris. Alors les mains qui avaient
tordu et vrillé, percé et blessé, se transformaient, et se posaient chaudes et
tendres là où la douleur était la plus forte. Elle connaissait maintenant ces
mains-là aussi bien que ses propres mains. Elles étaient grandes et fortes,
douces et sans aspérités. Les doigts étaient longs et sensibles comme ceux d’un
pianiste, et bien qu’elle ne les eût jamais vraiment vus elle pouvait les
imaginer très nettement.
Les cris s’intensifiaient maintenant et elle aurait voulu
pouvoir lever les bras pour se boucher les oreilles. Mais ils pendaient mous et
inutilisables le long de son torse et refusaient de lui obéir.
Quand les cris eurent cessé et que la petite trappe
au-dessus de leurs têtes fut ouverte puis refermée, elle se traîna sur le sol
froid et humide vers la source des hurlements.
Le temps de consoler était venu.
[…]
Extrait du livre : « Le Prédicateur » de Camilla
Läckberg, éd. Actes Sud, p.228 à 229.
L’auteur :
Camilla Läckberg |
- « La Princesse des glaces », en 2008 pour l’édition française
- « Le Prédicateur », en 2009
- « Le Tailleur de pierre », en 2009
- « L’Oiseau de mauvaise augure », en 2010
- « L’Enfant allemand », en 2011
- « Les Sirènes », en 2012
Passionnée de cuisine, Camilla Läckberg a écrit un recueil
de recettes. Ses trois enfants lui ont également inspiré des livres.
L’histoire :
C’est l’été à Fjällbacka, petit port touristique de Suède.
Un enfant trouve au fond d’une grotte le cadavre d’une femme, posé sur deux
squelettes. L’inspecteur Patrik Hedström découvre rapidement qu’il s’agit du
corps d’une jeune touriste venue camper dans la région et que cette mort est
liée à d’anciennes affaires non résolues à l’époque. Peu après, deux jeunes
filles disparaissent. Faut-il craindre
la présence d’un tueur en série ? Au cours d’une enquête policière ardue,
l’inspecteur finira par soupçonner la famille de feu le
« Prédicateur » Ephraïm Hult, une famille dont le passé recèle bien
des zones d’ombre.
Une véritable course contre la montre s’engage alors, et
Patrik Hedström va tout faire pour retrouver les filles vivantes…
Mon avis :
On ne lit pas du Camilla Läckberg pour son style ou sa plume.
L’écriture est minimaliste, les personnages souvent caricaturaux et certaines
situations sont peu vraisemblables. De plus, le lecteur est confronté à une
pléthore de prénoms et de noms qui sèment la confusion dans son esprit en début
de récit (j’ai dû me dessiner un petit arbre généalogique de la famille Hult
pour m’y retrouver…).
Mais l’auteure sait
ménager le suspense avec un jeu de
fausses pistes et des petits chapitres qui s’interrompent au moment où les
choses deviennent intéressantes pour le lecteur. Elle distille son humour dès qu’une bonne occasion
se présente et crée ainsi des scènes cocasses, qui amènent un peu de légèreté
dans une histoire parfois glaçante (lire extrait ci-dessus). De plus, elle aime développer la psychologie de ses
personnages, enrichissant ainsi le récit de chapitres diversement colorés. Cette alternance d’ambiances maintient
l’attention du lecteur et le mène d’un pas sûr, jusqu’à la conclusion de l’intrigue.
Au final, un livre parfait lorsqu’on veut lire un roman
facile et distrayant. Seulement attention : le livre est conçu comme un
feuilleton télévisé. L’enquête trouve bien un épilogue, mais il faut lire le
volume suivant pour connaître la suite de certaines situations pourtant
développées tout au long du récit. Je pense en particulier à la grossesse
d’Erika, la compagne de l’inspecteur, dont on nous explique en long et en large
tous les maux, et qui accouche à la fin du livre, sans qu’on sache même s’il
s’agit d’un garçon ou d’une fille. La suite au prochain épisode... Voilà sans
nul doute une stratégie commerciale très efficace !
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