Sous le
pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie
venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains
dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des
éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour
s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme
l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les
jours passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le
pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Extrait du
recueil de poèmes : « Alcools. » de Guillaume Apollinaire
Ce poème
est publié en 1913, dans le premier recueil de poèmes d’Apollinaire
(1880-1918) titré « Alcools ». Il lui aura fallu 15 ans pour
achever les 52 poèmes de cette œuvre…
Pour écrire
« Le pont Mirabeau », le poète
s’inspire de sa liaison houleuse avec la peintre Marie Laurencin, que
Picasso lui a présenté en 1907, lors d’une exposition à laquelle elle
participe. Guillaume a dit d’elle : « C’est un petit
soleil ; c’est moi dans la forme féminine. » Pour rendre visite à
Marie, son chemin emprunte le pont Mirabeau, qui enjambe la Seine. Lors de leur rupture en
1912, Apollinaire va assimiler ce pont à leur aventure commune. Dans une lettre
adressée en 1915 à Madeleine Pagès (une enseignante en lettres qui deviendra sa
fiancée), il écrit à propos de ce poème, qu’il est comme « la chanson
triste de cette longue liaison brisée ».
Ces vers
sont riches en interprétations, du fait qu’ils ne comportent aucune
ponctuation. L’eau qui coule sous le pont, métaphore classique pour la fuite du
temps, contraste avec la fixité d’Apollinaire, résigné à son chagrin. La grande
musicalité du poème, associée à la récurrence d’un refrain de deux vers entre
chaque quatrain, comme une litanie mélancolique, ont certainement contribué à
en faire les paroles parfaites pour une chanson…D’ailleurs beaucoup d’artistes
y ont pensé. Je ne vous citerai pour exemple, que Marc Lavoine, Léo Ferré ou
Serge Reggiani.
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