dimanche 15 novembre 2015

« The art critic » - Norman Rockwell

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Norman Rockwell
Cette huile sur toile (100,3 x 92,1 cm) a illustré la couverture du journal “The Saturday Evening Post” du 16 avril 1955. Elle a été réalisée par Norman Rockwell (1894 – 1978), le célèbre artiste américain.

Pour réaliser « The art critic », le peintre a mis sa famille à contribution : son fils a servi de modèle pour le critique, quant à son épouse Mary, elle est devenue la dame au sourire… Pour ce faire, Rockwell s’est inspiré du style flamboyant de Peter Paul Rubens (1577-1640), dont il était un admirateur inconditionnel. 

« The art critic » est exposé au musée Norman Rockwell de Stockbridge, la ville natale de l’artiste, dans le Massachusetts (USA).




« The art critic » comporte 3 éléments principaux qui composent une scène humoristique dans le cadre d’une salle de musée: le critique d’art, encadré par « le tableau à la dame » et par « le tableau aux trois hommes ».


Le critique d’art :

Commençons par nous intéresser au personnage central de l’œuvre, le jeune critique d’art. Un détail du tableau focalise toute son attention. Rockwell le situe avec espièglerie au niveau du décolleté généreux de la dame. L’homme se penche et le scrute à la loupe dans un geste sérieux et appliqué. Le sourcil levé, le front plissé, la bouche « en cul-de-poule » marquent une expression pleine  d’intérêt et d’étonnement. L’humour découle du jeu de contrastes entre le zèle du jeune homme et l’expression coquine de la dame. Le message du peintre est ainsi délivré avec une légèreté plaisante: les critiques d’art sont tellement obnubilés par les détails, que parfois, ils finissent par passer à côté de l’essentiel…

Mais retournons au tableau. Le critique est encombré par tout un fatras, qu’il transporte maladroitement sur le côté. Attardez-vous sur le catalogue ouvert à la page du portrait de la femme au tableau. On la reconnait facilement aux perles délicates ornant sa chevelure. Observez son expression au sourire détendu : elle n’est pas du tout la même que celle qu’elle affiche malicieusement sur le tableau. Le critique paraît avoir consulté cet ouvrage juste avant de recourir à son arme fatale, la loupe... Les livres qui sont sous son bras (en particulier celui du dessus, qui laisse deviner son titre « ART », et qui est rempli de marque-pages) attestent de son savoir académique, qu’il semble pourtant avoir bien du mal à mettre en pratique. Regardez sa palette à couleurs ; elle  dégouline piteusement. Et sa mallette mal rangée, avec les pinceaux et les chiffons sales qui dépassent. Notre homme a certainement tenté de  copier le tableau. Mais … parions que le résultat n’est pas tout à fait à la hauteur de ses espérances !

Voyez ses pantalons défraîchis, ses vieilles chaussures informes et mal entretenues. Admettez que le tout laisse transparaître une négligence un peu bohème… A n’en pas douter, et de manière fort  subtile, Norman Rockwell n’a pas hésité à puiser dans le cliché du peintre médiocre à la vocation contrariée…


Le « tableau à la dame »  et le « tableau aux trois hommes:

Quelles merveilles que le sourire et les yeux taquins de « La dame au tableau »! Ses sourcils arqués, soulevés dans une sympathique impertinence, contribuent avec efficacité à animer son visage poupin. Elle paraît si vivante, avec ses joues roses et son teint frais. On s’attend presque à l’entendre lancer une boutade. Une chose est sûre : elle semble beaucoup s’amuser de l’aveuglement du critique… Les trois notables du tableau d’à côté arborent quant à eux, une expression effarée. Ils observent la scène en direct-live et n’en reviennent pas du culot de ce jeune malotru sans gêne ni manières.

Tous ces personnages sont peints dans un style proche de celui du grand artiste baroque Rubens. Les hommes, parfaitement apprêtés, presque engoncés dans leur fraise amidonnée, sont vraiment parfaits dans leur rôle de dandys offusqués. La femme, élégante et très convenable sous ses rangées de perles, a une prestance  impayable en gentille coquine. Ils paraissent mener une vie secrète, à l’insu du regard inquisiteur des visiteurs du musée. Une merveilleuse idée qui apporte une touche d’originalité, très remarquée à l’époque de Rockwell.  Il faut dire que la fantaisie et l’humour du peintre a largement contribué à son immense succès auprès du grand public américain. Difficile tout de même, de ne pas faire le rapprochement avec les tableaux animés des « Harry Potter » de Rowling. Dans les deux cas, la magie fonctionne ; ce petit grain de loufoquerie et de fantaisie devenant même un réel atout narratif.

Et pour finir, parlons de la signature de l’artiste, gravée ad vitam aeternam dans le marbre du mur, en bas à droite de l’oeuvre. Encore un clin d’œil humoristique de Rockwell, presque une petite revanche : il a plus souvent été perçu par la critique de son époque comme un simple illustrateur de journal, que comme un artiste-peintre à part entière…

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