mercredi 10 décembre 2014

L’enfant et l’étoile - Catulle Mendès



Un astre luit au ciel et dans l’eau se reflète.

Un homme qui passait dit à l’enfant-poète :
« Toi qui rêves avec des roses dans les mains
Et qui chantes, docile au hasard des chemins,
Tes vains bonheurs et ta chimérique souffrance,
Dis, entre nous et toi, quelle est la différence ?

-Voici, répond l’enfant. Levez la tête un peu ;
Voyez-vous cette étoile, au lointain du soir bleu ?

Lettre au Père Noël - Patrick Bruel



Une lettre au Père Noël
Que tu écris de mes mains
Et une jolie aquarelle
Pour lui montrer le chemin
Tes tout petits bras s’agitent
Pour me dire d’écrire plus vite
Que le traîneau va partir
Que les lutins doivent dormir
Tu veux un bus, un tam-tam
Un hibou qui parle anglais
Et des chaussures pour la dame
Qui vit dehors toute l’année 
Un cœur neuf pour papy Ben
Que Louise te fasse un baiser
Des mercredis sans sirènes
Voir le pays où je suis né

La vie tourne comme un remue-manège
Et les lettres viennent mourir dans la neige
Et sous les rêves, il y a parfois des pièges
La vie tourne et détourne le manège
Mais voilà, tout le monde n’a pas son siège
Comment on monte ? Et comment on se protège ?


En guise d’étrennes - Claude Haller



Je t’envoie
L’arc superbe du jour
Sous les yeux croisés
De la jetée

Le haut de la vague
Et son bouquet d’écume
Au front majeur de la mer

Les chutes déferlantes
De mes pensées grisées
En l’épuisement radieux des flots


La petite fille et les allumettes - Hans Christian Andersen



Comme il faisait froid ! la neige tombait et la nuit n’était pas loin ; c’était le dernier soir de l’année, la veille du jour de l’an. Au milieu de ce froid et de cette obscurité, une pauvre petite fille passa dans la rue, la tête et les pieds nus. Elle avait, il est vrai, des pantoufles en quittant la maison, mais elles ne lui avaient pas servi longtemps : c’étaient de grandes pantoufles que sa mère avait déjà usées, si grandes que la petite les perdit en se pressant de traverser la rue entre deux voitures. L’une fut réellement perdue ; quant à l’autre, un gamin l’emporta avec l’intention d’en faire un berceau pour son petit enfant, quand le ciel lui en donnerait un.

La petite fille cheminait avec ses petits pieds nus, qui étaient rouges et bleus de froid ; elle avait dans son vieux tablier une grande quantité d’allumettes, et elle portait à la main un paquet. C’était pour elle une mauvaise journée ; pas d’acheteurs, donc pas le moindre sou. Elle avait bien faim et bien froid, bien misérable mine. Pauvre petite ! Les flocons de neige tombaient dans ses longs cheveux blonds, si gentiment bouclés autour de son cou ; mais songeait-elle seulement à ses cheveux bouclés ? Les lumières brillaient aux fenêtres, le fumet des rôtis s’exhalait dans la rue ; c’était la veille du jour de l’an : voilà à quoi elle songeait.

La neige - Pernette Chaponnière



Regardez la neige qui danse
Derrière le carreau fermé.
Qui là-haut peut bien s’amuser
À déchirer le ciel immense
En petits morceaux de papier?


Pernette Chaponnière

Citations de l’Abbé Pierre


-« Un sourire coûte moins cher que l’électricité, mais donne autant de lumière. »

-« La sérénité, c’est l’acceptation de soi-même et de ce qui est. »

-« Nous avons autant besoin de raisons de vivre que de quoi vivre. »

-« La vie est plus belle que la prudence. »

-« L’espérance, c’est croire que la vie a un sens. »

mardi 18 novembre 2014

Les Hauts de Hurle-Vent - Emily Brontë




Voici le passage du livre qui est à l’origine du sentiment de trahison ressenti par Heathcliff envers Catherine.  C’est un moment charnière dans l’histoire, un malheureux quiproquo, qui renferme les clés de son besoin obstiné de vengeance...

La narratrice est Nelly, l’employée de maison. Catherine lui fait des confidences intimes:

[…]

J’entrai dans la cuisine et m’assis pour endormir doucement mon petit agneau. Heathcliff, croyais-je, était allé dans la grange.

Je compris plus tard qu’il avait simplement passé derrière le banc à haut dossier ; il s’était jeté sur une banquette le long du mur, loin du feu, et y demeurait silencieux. 

Je berçais Hareton sur mes genoux en fredonnant une chanson qui commençait ainsi :

Sous le plancher, les souris entendaient,

En pleine nuit, les bébés qui pleuraient,

Quand Miss Cathy, qui, de sa chambre, avait écouté l’altercation, passa la tête et murmura :

—Êtes-vous seule, Nelly ?

—Oui, miss, répondis-je.

Elle entra et s'approcha du foyer. Je la regardai, supposant qu'elle allait dire quelque chose. Sa phy-sionomie semblait troublée et inquiète. Ses lèvres étaient entrouvertes, comme si elle voulait parler ; mais, au lieu d'une phrase, ce fut un soupir qui s'en échappa. Je repris ma chanson ; je n'avais pas oublié ses récents faits et gestes.

—Où est Heathcliff ? demanda-t-elle en m'interrompant.

—A son travail à l'écurie.

Il ne me contredit pas ; peut-être somnolait-il. Un autre long silence suivit, pendant lequel j'aperçus une larme ou deux couler de la joue de Catherine sur les dalles. « Regrette-t-elle sa honteuse con-duite ?me demandai-je. Ce serait une nouveauté. Mais elle en arrivera au fait comme elle voudra, ce n'est pas moi qui l'aiderai ! » Non, elle s'inquiétait peu de tout ce qui ne la concernait pas personnellement.

—Oh ! mon Dieu, s'écria-t-elle enfin, je suis bien malheureuse !

Bon dieu de bon dieu - Raymond Queneau


Bon dieu de bon dieu que j’ai envie d’écrire un petit poème
Tiens en voilà justement un qui passe
   Petit petit petit
   viens ici que je t’enfile
sur le fil du collier de mes autres poèmes
   viens ici que je t’entube
dans le comprimé de mes œuvres complètes
   viens ici que je t’enpapouète
                                     et que je t’enrime
                                     et que je t’enrythme
                                     et que je t’enlyre
                                     et que je t’enpégase
                                     et que je t’enverse
                                     et que je t’enprose

                                         la vache
                                     il a foutu le camp.



                                     Raymond Queneau

Regarde - Hélène Ségara



Regarde les gens qui s’embrassent
Regarde les arbres au printemps
La naissance magique d’un arc-en-ciel
Regarde le rire d’un enfant

Regarde les mains du violoniste
Regarde les couleurs de Gauguin
Le sourire que semble faire la lune 
Regarde la lumière du matin

Dis-moi, dis-moi que la vie
N’a plus d’importance
Que tout ce qu’on vit 
N’a pas de sens


Enigme littéraire : « Histoires naturelles » de Jules Renard (1)

Jules Renard (1864-1910)

Dans « Histoires naturelles », paru en 1894, Jules Renard a su décrire avec esprit des animaux de tout poil. 

Saurez-vous reconnaître celui-ci ?




« I. Que se passe-t-il ? Neuf heures du soir et il y a encore de la lumière chez lui.

II. Cette goutte de lune dans l’herbe ! »


Qui suis-je?

Proverbe de Chine



« Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. »

samedi 11 octobre 2014

Le journal d’Anne Frank



[…]

SAMEDI 20 JUIN 1942

C'est une sensation très étrange, pour quelqu'un dans mon genre, d'écrire un journal. Non seulement je n'ai jamais écrit, mais il me semble que plus tard, ni moi ni personne ne s'intéressera aux confidences d'une écolière de treize ans. Mais à vrai dire, cela n'a pas d'importance, j'ai envie d'écrire et bien plus encore de dire vraiment ce que j'ai sur le coeur une bonne fois pour toutes à propos d'un tas de choses. Le papier a plus de patience que les gens : ce dicton m'est venu à l'esprit par un de ces jours de légère mélancolie où je m'ennuyais, la tête dans les mains, en me demandant dans mon apathie s'il fallait sortir ou rester à la maison et où, au bout du compte, je restais plantée là à me morfondre. Oui, c'est vrai, le papier a de la patience, et comme je n'ai pas l'intention de jamais faire lire à qui que ce soit ce cahier cartonné paré du titre pompeux de « Journal », à moins de rencontrer une fois dans ma vie un ami ou une amie qui devienne l'ami ou l'amie avec un grand A, personne n'y verra probablement d' inconvénient.

Me voici arrivée à la constatation d'où est partie cette idée de journal ; je n'ai pas d'amie.

Aux modernes - Leconte de Lisle



Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein,
Plus vieux, plus décrépits que la terre inféconde,
Châtrés dès le berceau par le siècle assassin
De toute passion vigoureuse et profonde.

Votre cervelle est vide autant que votre sein,
Et vous avez souillé ce misérable monde
D’un sang si corrompu, d’un souffle si malsain,
Que la mort germe seule en cette boue immonde.

Leurs derniers mots



Les célébrités de tout temps ont soigné leur image... parfois jusque sur leur lit de mort pour certaines. Leurs derniers mots sont souvent marqués par l'Histoire. Voici quelques phrases célèbres passées à la postérité...

Même si certaines des « dernières paroles » des grands hommes ont été inventées de toutes pièces bien après leur mort, elles n'en ont pas moins été retenues par l'Histoire. On leur accorde une profondeur particulière et, surtout, un crédit à toute épreuve : en effet, qui soupçonnerait un agonisant de mentir ?


Napoléon Bonaparte

L'empereur français, malade et délirant, aurait prononcé ces mots dans sa prison de Sainte-Hélène :

« tête... armée ... . Mon dieu ». Peu glorieux !

C'est sans doute pourquoi l'Histoire a préféré retenir les premières lignes de ses dernières volontés, qui conviennent bien mieux à un empereur : « Je meurs avant mon temps et mon corps va retourner à la terre. Tel est le sort de celui qu'on a appelé le grand Napoléon. »

Sous les déchets la plage -Onésia Rithner



Tombent
Les petits papiers par terre
Les capsules et les canettes
Tombent les bouteilles de verre 
Les paquets de cigarettes

Je me ballade en slalom
Je marche sur un journal
Je m’englue sur un chewing-gum
Et vous trouvez ça normal

Tombent
Les bouteilles en plastique
Et m’en mettent plein la vue
Il n’y a rien d’esthétique
Quand ça pue et ça pollue

Enigme littéraire - Charles Sorel

Charles Sorel
Charles Sorel, écrivain et romancier français du XVII  ème siècle, aimait beaucoup l’humour et les jeux de mots. Il avait publié l’énigme suivante en 1672 dans « Les récréations galantes » :




« Qui est celui qui n’est ni matière, ni idée, ni corps, ni cause et qui est conjoint à tout ;
qui fait des portraits de toutes les choses du monde, mais imparfaits et si bigarres
qu’ils paraissent monstrueux, selon de certains temps ? »

Proverbe d’Allemagne



Tout a une fin, sauf la saucisse qui en a deux !

lundi 14 juillet 2014

La Promenade, La Femme à l’ombrelle… - Claude Monet



Claude Monet
Voici une huile sur toile peinte par Claude Monet (1840-1926) en 1875, intitulée « La Promenade » ou « La femme à l’ombrelle ».

Aujourd’hui célèbre, elle passa presque inaperçue lors de sa présentation publique à la Deuxième exposition impressionniste de Paris, en 1876. Elle faisait partie d’un lot d’une vingtaine d’œuvres de Monet, peintes pour l’occasion. Le tableau représente la première femme du peintre, Camille Doncieux, en compagnie de leur jeune fils de 7ans, Jean. C’est pourquoi, l’oeuvre est également connue sous le titre de « Madame Monet et son fils ».  Le tableau a été réalisé en extérieur dans les environs d’Argenteuil, à la belle saison, vraisemblablement en une seule séance.  

Ce qui frappe à prime abord dans cette œuvre, c’est la chaleur de sa lumière. Camille est comme  nimbée de cette clarté. Son contour se découpe subtilement sur un ciel d’un bleu profond, aux nuages clairs, qui semblent réfléchir les rayons solaires sur les deux personnages, les mettant ainsi en valeur. Ils apparaissent plein de vie, et Camille, malgré la finesse de sa constitution, s’impose au regard. Des touches chaleureuses tirant sur le jaune amènent un sentiment de paix, de rondeur et d’harmonie.

Le vent souffle : les rubans du chapeau de Camille volent avec légèreté devant son visage et donnent une impression de mouvement. On le vérifie également dans la position générale de sa longue jupe plissée, le fait qu’elle se soulève à l’avant gauche, ainsi que dans les herbes qui ploient  vers la gauche du tableau.

L’étrange histoire de Benjamin Button - Francis Scott Fitzgerald


Monsieur Button père est obligé de quitter la maternité de la Clinique Générale du Maryland avec son fils Benjamin, un nouveau-né de 70 ans aux cheveux clairsemés et à la longue barbe grise…

[…]

-Ce n’est pas possible ! Pas possible ! pleurnichait-il.

Les gens allaient s’arrêter pour lui parler, et que pourrait-il dire ? Il faudrait qu’il présente ainsi ce septuagénaire : «  Voici mon fils, qui est né ce matin. » Et le vieillard remettrait la couverture autour de lui et ils reprendraient la route, d'un pas lourd, longeraient les boutiques bondées du marché aux esclaves – pendant un court instant de désespoir M. Button avait regretté amèrement que son fils ne soit pas noir –, les jolies maisons des beaux quartiers, l'hospice...

-Voyons ! Ressaisissez-vous, ordonna l'infirmière.

-Mais, dit à son tour le vieillard, si vous croyez que je vais sortir enveloppé d'une couverture, vous vous trompez lourdement.

-Les bébés sont toujours enveloppés dans des couvertures.

Avec un ricanement de dépit et en brandissant un lange blanc, il lança d'une voix tremblante :

-Regardez ce qu'ils avaient prévu de me mettre !

-C'est toujours ce que l'on met aux bébés, rétorqua l'infirmière, impassible.

-Eh bien, s'insurgea-t-il, le bébé qui vous parle va se mettre tout nu dans cinq minutes. Cette couverture me gratte. Ils auraient pu au moins me donner un drap.

-Ne l'enlève pas ! Ne l'enlève pas ! implora M. Button qui se retourna vers l'infirmière :

-Comment faire ?

-Allez en ville lui acheter des vêtements.

M. Button était déjà dans le couloir quand il entendit son fils crier :

- Et une canne, père. Je veux une canne.

M. Button claqua violemment la porte d'entrée derrière lui...

Convalescence - Jean-Michel Maulpoix


Convalescence du bleu après l’averse…

Le ciel se recolore. Les arbres s’égouttent et le pavé boit. La ville aussi essaie des phrases. Rires mouillés et pluie de pieds nus. On dirait que le paysage est tout éclaboussé de croyance.

On voudrait jardiner ce bleu, puis le recueillir avec des gestes lents dans un tablier de toile ou dans une corbeille d’osier. Disposer le ciel en bouquets, égrener ses parfums, tenir quelques heures la beauté contre soi et se réconcilier.

Les mensonges d’un père à son fils - Serge Reggiani


Le temps, petit Simon
Où tu m’arrivais à la taille
Ça me semble encore tout à l’heure
Mais déjà, tu m’arrives au cœur
Pour toi commence la bataille

Le temps, petit Simon
Que je te fasse un peu l’école
Me semble venir aujourd’hui
Redonne-moi de cet alcool
Que je te parle de la vie

Tu verras
Les amis ne meurent pas
Les enfants ne vous quittent pas
Les femmes ne s’en vont pas

Enigme littéraire - Alphonse Allais

Alphonse Allais

Alphonse Allais (1854-1905) était un journaliste, écrivain et humoriste français.



Voici une petite énigme qu’il a imaginée en son temps :

« Un entier qui partage sa moitié avec un tiers,
   Qui est-il ? »

vendredi 6 juin 2014

Enigme littéraire - Le débarquement de Normandie


En 1943, la première strophe d’un célèbre poème est diffusée à l’attention de la résistance française pour annoncer le débarquement des troupes alliées. Mais le débarquement n’aura pas lieu cette année-là.

Or, le 5 juin 1944,  le même poème est à nouveau envoyé au réseau de résistance sur les ondes de Radio Londres pour préparer le D-Day. 

Bien entendu, lorsque les allemands interceptent à nouveau ce message en juin 1944, ils l’interprètent immédiatement comme étant un signal déterminant. D’autant qu’ils ont pu visualiser des manœuvres et un large déploiement de forces dans le Nord-Pas-de Calais (en réalité, c’était un leurre des alliés). La quinzième armée allemande se met donc rapidement en état d’alerte dans ce secteur, ne se doutant pas que le véritable débarquement aurait lieu en Normandie.

Cette erreur d’appréciation profita aux alliés, puisque les allemands crurent longtemps que la Normandie était un piège et que le gros du débarquement était prévu dans le Nord-Pas-de-Calais. Leurs troupes d’élite restèrent donc mobilisées au mauvais endroit !


Quel est le poème diffusé sur Radio Londres ce 5 juin 1944? 

Et la mer et l’amour - Pierre de Marbeuf

« La naissance de Vénus » de Sandro Botticelli
Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage,
Et la mer est amère, et l’amour est amer,
L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer,
Car la mer et l’amour ne sont point sans orage.

Celui qui craint les eaux, qu’il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer,
Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard 1 de naufrage.

Feuille vole - Guy Béart


Autrefois, les feuilles ne volaient jamais,
Elles jalousaient les oiseaux qui passaient.
Elles dirent au soleil : « Vous qui êtes si fort,
Donnez-nous l’audace de prendre enfin notre essor ! »
Une brise douce aussitôt se leva.
De sa branche, une imprudente s’envola,
D’autres la suivirent dans les airs tourbillonnants. 
Les feuilles dansaient, heureuses, libres maintenant.

Partagez vos textes et poèmes - Le train des barbares



Partagez vos textes et poèmes - L'ouvrier et l'usine


dimanche 11 mai 2014

Le dormeur du val - Arthur Rimbaud


C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.


                          Arthur Rimbaud

L’étrange cas du docteur Jekyll et de Mr Hyde – Robert Louis Stevenson


Je vous propose ci-après un court extrait de l’œuvre de Stevenson
OU
 l’intégralité du texte en cliquant :  «  I C I »   ( œuvre libre de droits)

[…]

Je suis né en l’an 18… Héritier d’une belle fortune, doué en outre de facultés remarquables, incité par nature au travail, recherchant la considération des plus sages et des meilleurs d’entre mes contemporains, j’offrais de la sorte, aurait-on pu croire, toutes les garanties d’un avenir honorable et distingué. Et de fait, le pire de mes défauts était cette vive propension à la joie qui fait le bonheur de beaucoup, mais que je trouvais difficile de concilier avec mon désir impérieux de porter la tête haute, et de revêtir en public une mine plus grave que le commun des mortels. Il résulta de là, que je ne me livrai au plaisir qu’en secret, et lorsque j’atteignis l’âge de la réflexion, et commençai à regarder autour de moi et à me rendre compte de mes progrès et de ma situation dans le monde, je me trouvais déjà réduit à une profonde dualité d’existence. Plus d’un homme aurait tourné en plaisanterie les licences dont je me rendais coupable ; mais des hauteurs idéales que je m’étais assignées, je les considérais et les dissimulais avec un sentiment de honte Presque maladif. Ce fut donc le caractère tyrannique de mes aspirations, bien plutôt que des vices particulièrement dépravés, qui me fit ce que je devins, et, par une coupure plus tranchée que chez la majorité des hommes, sépara en moi ces domaines du bien et du mal où se répartit et dont se compose la double nature de l’homme.
Dans mon cas particulier, je fus amené à méditer de façon intense et prolongée sur cette dure loi de l’existence qui se trouve à la base de la religion et qui constitue l’une des sources de tourments les plus abondantes. Malgré toute ma duplicité, je ne méritais nullement le nom d’hypocrite : les deux faces de mon moi étaient également d’une sincérité parfaite ; je n’étais pas plus moi-même quand je rejetais la contrainte et me plongeais dans le vice, que lorsque je travaillais, au grand jour, à acquérir le savoir qui soulage les peines et les maux.

L’étrange cas du docteur Jekyll et de Mr Hyde – Robert Louis Stevenson (Texte intégral)


Quitte - moi - Pierre Bachelet


J’ai fait ce que j’ai pu, j’ai marché sur les eaux
Mais tu es plus que belle et je suis moins que beau
Marié d’accord, marié sur un coup de rencontre
Mais le temps d’y penser vient de briser ma montre
Moi qui aurais voulu déposer dans ton lit
Des rêves imprévus, des torrents de rubis
Je n’ai pu te donner que quatre méchants murs
Où ton regard s’éteint d’être privé d’azur

Quitte-moi
Quitte-moi
Tant qu’il est encore temps
Quitte-moi
Fais le premier pas
Quitte-moi

Citations de Francis Blanche

Francis Blanche (1921 – 1974)

-« Je me suis marié deux fois : deux catastrophes. Ma première femme est partie. Ma deuxième est restée. »

-« La preuve que la lune est habitée, c’est qu’il y a de la lumière. »

-« Qui vole un œuf, ferait mieux de voler un bœuf. »

Enigme littéraire : « Bilbo le Hobbit » (3) - J.R.R. Tolkien


Dans « Bilbo le Hobbit », la célèbre œuvre de Tolkien, on peut lire toute une série d’énigmes au chapitre V,  « Enigmes dans l’obscurité ».

L’auteur y décrit la première rencontre entre Bilbo Baggins et le machiavélique Gollum. Perdu dans un dédale de galeries ténébreuses au cœur de la montagne des gobelins, le Hobbit arrive soudainement sur les rives glacées d’un lac souterrain. C’est là que vit Gollum. La créature, qui se nomme elle-même « mon trésor », est très intriguée par cette arrivée insolite et inespérée. Pour gagner du temps, parce qu’elle n’a pas encore très faim et qu’elle désire en savoir un peu plus sur  Bilbo, elle lui propose de participer à un concours d’énigmes. Mais très vite, le petit jeu du Gollum devient très dangereux pour le Hobbit : « Si le trésor demande et que ça ne réponde pas, on le mange, mon trésor. Si ça nous demande et qu’on ne réponde pas, alors on fait ce que ça veut, hein ? On lui montre comment sortir, oui ! »


Voici la troisième énigme que Gollum propose à Bilbo :

« Sans voix, il crie ;
   Sans ailes, il voltige ;
   Sans dents, il mord ;
   Sans bouche, il murmure. » 

dimanche 13 avril 2014

Fahrenheit 451 - Ray Bradbury


Montag est rongé par un fort sentiment de culpabilité : est-il en accord avec sa conscience lorsqu’il exerce sa profession de pompier ? Est-ce juste ou moral de brûler la maison, les livres de tant de gens ? Son supérieur, le capitaine Beatty s’aperçoit de son trouble. Après le travail, il se rend au domicile de Montag, alors que ce dernier, malade de remords, cogite dans son lit. Mildred, l’épouse de Montag, est présente. Elle ignore que son mari a caché un livre sous son oreiller, infraction gravissime, punie de mort. La conversation entre les deux hommes bifurque rapidement sur l’historique de leur profession. « On n’explique plus ça à la bleusaille comme dans le temps. Dommage. […] Il n’y a plus que les capitaines de pompiers pour s’en souvenir. », commence Beatty :

[…]

Autrefois, les livres n’intéressaient que quelques personnes ici et là, un peu partout. Elles pouvaient se d’être différentes. Le monde était vaste. Mais le voilà qui se remplit d’yeux, de coudes, de bouches. Et la population de doubler, tripler, quadrupler. Le cinéma et la radio, les magazines, les livres se sont nivelés par le bas, normalisés en une vaste soupe. Vous me suivez ?

-Je crois.

Beatty contempla le motif formé par la fumée qu’il avait rejetée.

« Imaginez le tableau. L’homme du XIX e siècle avec ses chevaux, ses chiens, ses charrettes : un film au ralenti. Puis, au XX e siècle, on passe en accéléré. Livres raccourcis. Condensés, Digests. Abrégés. Tout est réduit au gag, à la chute.

-La chute, approuva Mildred.

-Les classiques ramenés à des émissions de radio d’un quart d’heure, puis coupés de nouveau pour tenir en un compte rendu de deux minutes, avant de finir en un résumé de dictionnaire de dix à douze lignes. J’exagère, bien sûr. Les dictionnaires servaient de référence. Mais pour bien des gens, Hamlet (vous connaissez certainement le titre, Montag ; ce n’est probablement qu’un vague semblant de titre pour vous, madame Montag…), Hamlet, donc, n’était qu’un Digest d’une page dans un livre proclamant : Enfin tous les classiques à votre portée ; ne soyez plus en reste avec vos voisins. Vous voyez ? De la maternelle à l’université et retour à la maternelle. Vous avez là le parcours intellectuel des cinq derniers siècles ou à peu près. »

Mildred se leva et se mit à s’affairer dans la chambre, ramassant des objets qu’elle reposait aussitôt. Beatty fit comme si de rien n’était et poursuivit : « Accélérez encore le film, Montag. Clic ? Ça y est ? Allez, on ouvre l’œil, vite, ça défile, ici, là, au trot, au galop, en-haut, en-bas, dedans, dehors, pourquoi, comment, qui, quoi, où, hein ? Hé ! Bang ! Paf ! Vlan, bing, bong, boum ! Condensés de condensés. Condensés de condensés de condensés. La politique ? une colonne, deux phrases, un gros titre ! Et tout se volatilise ! La tête finit par vous tourner à un tel rythme sous le matraquage des éditeurs, diffuseurs, présentateurs, que la force centrifuge fait s’envoler toute pensée inutile, donc toute perte de temps ! »

Mildred retapait le dessus de lit. Montag sentit son cœur battre à grands coups lorsqu’elle tapota son oreiller. Et voilà qu’elle le tirait par l’épaule pour pouvoir dégager l’oreiller, l’arranger et le remettre en place sous ses reins. Et peut-être pousser un cri et ouvrir de grands yeux, ou simplement tendre la main, dire : « Qu’est-ce que c’est que ça ? » et brandir le livre caché avec une touchante innocence.

« La scolarité est écourtée, la discipline se relâche, la philosophie, l’histoire, les langues sont abandonnées, l’anglais et l’orthographe de plus en plus négligés, et finalement presque ignorés. On vit dans l’immédiat, seul le travail compte, le plaisir c’est pour après. Pourquoi apprendre quoi que ce soit quand il suffit d’appuyer sur des boutons, de faire fonctionner des commutateurs, de serrer des vis et des écrous ?

Les souliers verts - Linda Lemay


Ça faisait deux petits mois d’amour
Qu’on se connaissait
Pas un seul accroc dans le parcours
C’était parfait

On a fini par se faire l’amour
On a choisi notre moment
On était mûrs, on était sûrs
De nos moindres petits sentiments

J’étais sceptique, j’étais peureuse
Tu as mis deux mois
À remettre ma confiance boiteuse
En bon état

L’enfant qui est dans la lune - Claude Roy


Cet enfant, toujours dans la lune,
s’y trouve bien, s’y trouve heureux.

Pourquoi le déranger ? La lune
est un endroit d’où l’on voit mieux.

           Claude Roy

Enigme littéraire : le Chevalier de Saint-Gilles

Uniformes des mousquetaires du roi entre 1660 et 1814

Je vous propose de découvrir une énigme dont l’auteur est Charles de Saint-Gilles Lenfant, dit Chevalier de Saint-Gilles (vers 1670- vers 1709).

Ce sous-brigadier de la première compagnie des Mousquetaires du roi Louis XIV avait un penchant marqué pour la littérature et la correspondance. Cette énigme est tirée d’un recueil d’œuvres posthumes publié en 1876 : « Le Mercure normand ou voyage des mousquetaires à Valognes en 1702. Extrait des œuvres posthumes du Chevalier de Saint Gilles ». Il contient des lettres adressées à la Marquise de D**, qu’il agrémentait d’énigmes, de petits poèmes, de jeux.


Voici une énigme qui se trouve dans sa troisième lettre :

Sans être évêque j’ai ma crosse,
Sans être berger j’ai mon chien,
Et sans être magicien,
J’ai ma baguette, et ma fureur atroce.