samedi 1 février 2014

Enigme du Sphinx à Œdipe

Oedipe et le Sphinx, de Jean-Auguste-Dominique Ingres

Vieux de 3000 ans, les récits mythologiques de la Grèce antique sont parvenus jusqu’à nous grâce à des représentations picturales sur des céramiques, des sculptures, mais également par l’intermédiaire de textes d’auteurs tels qu’Homère, Sophocle, Hérodote, Sénèque ou Hésiode.

Thérèse Desqueyroux - François Mauriac

Portrait de femme, Kees Van Dongen, 1920

[…]

Pourquoi l’avait-elle épousé ? C’était vrai qu’il n’avait montré aucune hâte. Thérèse se souvient que la mère de Bernard, Mme Victor de la Trave, répétait à tout venant : « Il aurait bien attendu, mais elle l’a voulu, elle l’a voulu, elle l’a voulu. Elle n’a pas nos principes, malheureusement ; par exemple, elle fume comme un sapeur : un genre qu’elle se donne ; mais c’est une nature très droite, franche comme l’or. Nous aurons vite fait de la ramener aux idées saines. Certes, tout ne nous sourit pas dans ce mariage. Oui…la grand-mère Bellade…je sais bien… mais c’est oublié, n’est-ce pas ? On peut à peine dire qu’il y a eu scandale, tellement ç’a été bien étouffé. Vous croyez à l’hérédité, vous ? Le père pense mal, c’est entendu ; mais il ne lui a donné que de bons exemples : c’est un saint laïque. Et il a le bras long. On a besoin de tout le monde. Enfin, il faut bien passer sur quelque chose. Et puis, vous me croirez si vous voulez : elle est plus riche que nous. C’est incroyable, mais c’est comme ça. Et en adoration devant Bernard, ce qui ne gâte rien. »

Oui, elle avait été en adoration devant lui : aucune attitude qui demandât moins d’effort. Dans le salon d’Argelouse ou sous les chênes au bord du champ, elle n’avait qu’à lever vers lui ses yeux que c’était sa science d’emplir de candeur amoureuse. Une telle proie à ses pieds flattait le garçon mais ne l’étonnait pas. « Ne joue pas avec elle, lui répétait sa mère, elle se ronge. »

Credo - Lucien Jacques


Je crois en l’homme, cette ordure.
Je crois en l’homme, ce fumier,
Ce sable mouvant, cette eau morte.

Je crois en l’homme, ce tordu,
Cette vessie de vanité.
Je crois en l’homme, cette pommade,
Ce grelot, cette plume au vent,
Ce boute-feu, ce fouille-merde.
Je crois en l’homme, ce lèche-sang.

Malgré tout ce qu’il a pu faire
De mortel et d’irréparable.
Je crois en lui
Pour la sûreté de sa main,
Pour son goût de la liberté,
Pour le jeu de sa fantaisie.

Proverbe d’Inde


« Au loin, j’ai vu un monstre. M’approchant, j’ai vu un homme, lui parlant, j’ai trouvé un frère. »

Docteur Sleep - Stephen King


Après une longue errance à travers les Etats-Unis, de petit boulot en petit boulot, Dan Torrance arrive à Frazier. Alcoolique et mal en point, il décide de s’établir en ce lieu pour se reconstruire.

[…]

Une heure plus tard, le bus dépassait le panneau BIENVENUE À FRAZIER OÙ CHAQUE SAISON A SA RAISON ! Et au-dessous, BERCEAU DE TEENYTOWN !

Le bus s’arrêta devant le Centre communautaire de Frazier où des passagers montèrent et, du siège vide à côté de Dan, que la bouteille avait occupé durant la première partie du voyage, Tony parla. Tony ne s’était pas exprimé aussi clairement depuis des années mais Dan aurait reconnu sa voix entre toutes.

(C’est là c’est le bon endroit) 

Aussi bon qu’un autre, pensa Dan.

Il attrapa son sac dans le porte-bagages et descendit. Debout sur le trottoir, il regarda le bus s’éloigner. À l’ouest, les montagnes Blanches cisaillaient l’horizon. Au cours de ses pérégrinations, il avait toujours évité les montagnes, surtout les monstres en dents de scie qui partageaient en deux ce pays. Il pensa : J’ai fini par revenir vers les hauteurs, en fin de compte. J’imagine que j’ai toujours su que je le ferais. Mais ces montagnes-là étaient d’un relief plus doux que celles qui hantaient encore parfois ses rêves et il songea qu’il pourrait s’en accommoder, du moins pour un petit bout de temps. À condition qu’il arrive à ne plus penser au gamin en T-shirt des Braves. À condition qu’il arrive à laisser tomber l’alcool. Un jour, tu finis par t’aviser que rien ne sert de cavaler. Où que tu ailles, tu t’emmènes toujours avec toi.

Un tourbillon de neige, plus léger qu’un voile de mariée, traversa l’air en dansant. Dan constata que les commerces bordant la large rue principale étaient principalement destinés aux skieurs qui arriveraient en décembre et aux estivants qui les remplaceraient en juin. Avec certainement, en septembre et octobre, un arrivage d’amoureux des  couleurs de l’automne. Mais maintenant, c’était ce qui dans le nord de la Nouvelle-Angleterre tient lieu de printemps : deux mois âpres chromés de froid et d’humidité. De toute évidence, Frazier n’avait pas encore trouvé de raison pour cette saison, car la rue principale – Cranmore Avenue – était pour ainsi dire déserte.

Dan balança son sac sur son épaule et partit d’un pas lent en direction du nord. Il s’arrêta devant une grille en fer forgé pour observer une grande maison victorienne biscornue flanquée d’ailes en brique de construction plus récente communiquant avec la maison mère par des passages couverts. Une tourelle, surplombant le côté gauche de la demeure, dominait le tout, mais elle était sans équivalent sur la droite, ce qui donnait à la bâtisse une allure bizarrement bancale qui lui plut assez. C’était comme si la grosse vieille bicoque disait : Ouais, une partie de moi s’est écroulée. Ben quoi ? Ça vous arrivera aussi un jour. Dan esquissa un sourire. Mais le sourire mourut sur ses lèvres.

Posté à la fenêtre de la tourelle, Tony le regardait. Voyant Dan lever les yeux vers lui, il lui fit signe de la main. Ce même geste solennel dont Dan se souvenait depuis l’enfance, lorsque Tony venait souvent. Dan ferma les yeux, puis les rouvrit. Tony n’y était plus. Il n’y avait jamais été d’ailleurs. Comment aurait-il pu y être ? La fenêtre était barricadée par des planches.

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