lundi 20 mai 2013

Je, François Villon - Jean Teulé / Les loges de recluses


Extrait 1 :

François Villon a offert sa douce  Isabelle à la pire bande d’écorcheurs et de pilleurs de l’époque, les Compagnons de la Coquille, afin d’intégrer  leur ignoble confrérie. Ces barbares ont sauvagement abusé d’elle et l’ont définitivement salie aux yeux de tous. En signe de pénitence, la pauvre fille décide de s’enfermer dans une loge de recluse au cimetière des Innocents  de Paris.

[…]
Jamais je n’oublierai cette image d’Isabelle qu’on emmure à l’aube au réclusoir des Innocents… Dimenche Le Loup, devenu maître marguillier – en manches relevées, tablier, calot sur ses cheveux frisés – finit d’élever une maçonnerie derrière mon amour qu’il enferme dans un petit réduit où elle ne pourra que se tenir debout ou s’asseoir sur un banc de pierre, jamais se coucher, jusqu’à la fin de ses jours.

-Elle va pisser, chier sous elle, se noyer dans sa merde, me rappelle Dogis qui n’est pas un poète.
-Des passants charitables déposeront de la nourriture entre les barreaux des ouvertures, glisseront des couvertures en hiver…, soupire Guy qui voit les choses autrement. Certaines résistent longtemps. Regarde, là, Jeanne la Verrière, quarante ans qu’elle est dans sa loge.

Je n’en reviens pas. « Quarante années de solitude au cimetière dans une tombe pour vivante par tous les temps, pluie, vent, neige, nuit et jour… »

Citation de Victor Hugo


« Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne.
Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
Ne sont jamais allés à l’école une fois,
Et ne savent pas lire, et signent d’une croix.
C’est dans cette ombre-là qu’ils ont trouvé le crime.
L’ignorance est la nuit qui commence l’abîme.
Où rampe la raison, l’honnêteté périt. »


Victor Hugo (1802-1885), « Les Quatre vents de l’esprit »(1881), l.24




Victor Hugo, ou l’engagement fait poème… 

dimanche 5 mai 2013

La solitude lumineuse - Pablo Neruda


[…]

…Partout les statues de Bouddha, de Lord Bouddha…Les statues sévères, verticales, vermoulues, avec une dorure qui leur communique un éclat animal et un écaillement extérieur qui donne à croire que l’air les détériore…Sur leurs joues, sur les plis de leur tunique, sur leurs coudes, leur nombril, leur bouche, leur sourire, jaillissent de petites macules : champignons, porosités, traînées excrémentielles de la forêt…Et voici aussi les gisants, les énormes gisants, les statues de quarante mètres de pierre, de granit gréseux, pâles, étendues parmi les feuillages sonores, inattendues, surgissant de quelque recoin de la forêt, de quelque plateforme environnante…Endormies ou non, elles sont ici depuis cent ans, mille ans, mille fois mille ans…Mais elles sont douces en leur ambiguïté métaterrestre bien connue, elles qui aspirent à s’en aller et à rester…Et ces lèvres de pierre si suave, cette majesté impondérable faite cependant de pierre dure, à qui sourient-elles, et à combien d’élus, sur la terre sanglante ?... Elles ont vu passer les paysannes qui fuyaient, les incendiaires, les guerriers masqués, les faux prêtres, les touristes dévorants…Et la statue est restée là, bien à sa place, l’immense pierre avec des genoux, avec des plis sur sa tunique, avec son regard perdu et pourtant existant, complètement inhumain et d’une certaine façon humain, d’une certaine façon ou par quelque contradiction statuaire, étant et n’étant pas divine, étant et n’étant pas pierre, sous le croassement des oiseaux noirs, parmi les battements d’ailes des oiseaux rouges, des oiseaux de la forêt… Nous ne pouvons nous empêcher de penser aux terribles christs espagnols dont nous avons hérité avec leurs plaies et tout le reste, leurs pustules et tout le reste, leurs cicatrices et tout le reste, et avec cette odeur de cierge, d’humidité, de renfermé qui est celle des églises…Ces christs aussi ont hésité entre être des hommes ou des dieux…Pour en faire des hommes, pour les rapprocher de ceux qui souffrent, de la femme en couches et du décapité, du paralytique et de l’avare, des gens d’églises et de ceux qui entourent les églises, pour les rendre humains, les sculpteurs les ont dotés de plaies horripilantes et tout s’est transformé en religion du supplice, en pèche et souffre, ne pèche pas et souffre quand même, vis et souffre, sans que tu puisses trouver d’issue libératrice…Ici non, ici la paix est arrivée jusqu’à la pierre…Les statuaires se sont révoltés contre les canons de la douleur et ces Bouddhas colossaux, avec des pieds de dieux géants, ont sur le visage un sourire de pierre qui est paisiblement humain, sans toute cette souffrance…Et il en émane une odeur non de pièce morte, non de sacristie et de toiles d’araignée, mais d’espace végétal, de rafales qui retombent soudain en ouragans de plumes, de feuilles, de pollen de la forêt sans fin…

Citations de Raymond Devos


-« J’ai toujours été un galant homme. Quand ma femme me dit : ``Je ne suis pas assez belle pour toi ´´, je réponds : ``Mais si ! Car si tu étais plus belle, je me serais déjà lassé. Tandis que là, je ne me suis pas encore habitué.´ ´»

-« Qui prête à rire n’est jamais sûr d’être remboursé. »

-« Une fois rien, c’est rien ; deux fois rien, ce n’est pas beaucoup, mais trois fois rien, on peut déjà s’acheter quelque chose et pour pas cher. »

-« Quand les Verts voient rouge, ils votent blanc. »

-« Je crois en l’immortalité et pourtant je crains bien de mourir avant de la connaître. »

-« Il m’est arrivé de prêter l’oreille à un sourd. Il n’entendait pas mieux. » 

-« Si ma femme doit être veuve un jour, j’aimerais mieux que ce soit de mon vivant. »

Anti-conte - Jacques Faizant


Il y a longtemps, bien longtemps
Il y avait une bergère
Qui gardait ses moutons bêlants
Dans une clairière

Les moutons étaient tout pelés
Et la bergère était affreuse
Laide, les cheveux mal peignés
Et paresseuse

Le fils du roi vint à passer
C’était un parfait imbécile
Il n’était ni beau ni bien fait
Ni juvénile

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