Oui, dès l’instant que je vous vis,
Beauté féroce, vous me plûtes ;
De l’amour qu’en vos yeux je pris,
Sur-le-champ vous vous aperçûtes ;
Mais de quel air froid vous reçûtes
Tous les soins que pour vous je pris !
En vain je priai, je gémis :
Dans votre dureté vous sûtes
Mépriser tout ce que je fis.
Même un jour je vous écrivis
Un billet tendre que vous lûtes,
Et je ne sais comment vous pûtes
Ah ! fallait-il que je vous visse,
Fallait-il que vous me plussiez,
Qu’ingénument je vous le disse,
Qu’avec orgueil vous vous tussiez !
Fallait-il que je vous aimasse,
Que vous me désespérassiez,
Et qu’en vain je m’opiniâtrasse,
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m’assassinassiez !
Alphonse
Allais
L’auteur :
Alphonse Allais |
Alphonse Allais est né en 1854 à Honfleur, en France. Il est
fils de pharmacien. Plutôt bon élève, il aime les branches scientifiques et entreprend des études en pharmacie, mais y
renonce finalement, préférant se tourner vers le journalisme et l’humour. En
1883, il signe ses premiers billets humoristiques dans le journal du
« Chat noir ». Ils lui valent une belle notoriété. En 1886, il
devient le directeur de ce journal. En 1897, il est rédacteur en chef de la
revue humoristique « Le sourire ». Ses publications humoristiques
sont réunies dans de nombreux ouvrages. Je vous cite pour l’exemple :
« À se tordre », publié en 1891 ou « Vive la vie » en 1892.
En 1905, l’âge de 51 ans, il meurt d’une embolie pulmonaire. Il est enseveli
dans le cimetière parisien de Saint-Ouen, mais sa tombe est pulvérisée par une
bombe de la RAF au cours de la seconde guerre mondiale…
Le poème :
Dans ce poème,
Alphonse Allais porte un regard moqueur sur un amoureux au comble du désespoir, car sa muse a prudemment repoussé ses avances... Son
obstination naïve prête déjà à rire, mais un verbe vieillot et pédant apporte
la touche finale à une scène consternante de maladresse.
Comme quoi, le mieux est souvent l’ennemi du bien… ou
heureusement que le ridicule ne tue pas !
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