De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au Précis se joint.
C’est des beaux yeux derrière des voiles,
C’est le grand jour tremblant de midi,
C’est, par un ciel d’automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !
Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L’Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l’Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !
Prends l’éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d’énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l’on n’y veille, elle ira jusqu’où ?
Ô qui dira les torts de la Rime ?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d’un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?
De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours.
Que ton vers soit la
bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature.
Paul
Verlaine
L’auteur :
Paul Verlaine naît à Metz, France, en 1844. Enfant unique,
longtemps attendu, il grandit avec sa cousine, Elise Moncomble, une fillette orpheline recueillie par ses parents.
Paul est un élève médiocre, mais il est passionné de dessin et de littérature.
Il devient un adolescent difficile et est mis en pension. A
14 ans, il rêve déjà de devenir poète et envoie un texte intitulé « La
mort » à Victor Hugo. En 1861, sa cousine, dont il est amoureux, se marie
avec un riche entrepreneur.
Elise Moncomble |
Il obtient son bac en 1862, mais choisit d’abandonner les
études. Il préfère fréquenter les cafés littéraires.
Pour subvenir à ses besoins, il s’engage comme
employé dans une compagnie d’assurances, puis à la mairie de Paris. En 1866, à 22 ans, il
publie son premier recueil de poèmes à compte d’auteur, financé par sa cousine Elise : « Poèmes
saturniens ». Le livre ne rencontre qu’un succès mitigé. En 1867, sa
cousine meurt en couches. Paul est désespéré ; il plonge dans l’alcoolisme
et devient violent avec sa mère, tentant même de la tuer. Heureusement, Paul rencontre Mathilde Mauté,
tombe amoureux d’elle et se marie en 1870.
Un an plus tard, naît leur unique enfant, Georges. Paul
reçoit alors les poèmes d’un adolescent de
16 ans, Arthur Rimbaud. Ils se rencontrent.
Arthur Rimbaud |
Au cours de cette période, le mariage de Verlaine bat
sérieusement de l’aile en raison de violences conjugales (le couple se séparera
officiellement quelques années plus tard).
Verlaine choisit de
quitter sa famille pour rejoindre
Rimbaud avec lequel il entretient une liaison homosexuelle. Dès lors, commence
une vie de bohème entre l’Angleterre et la Belgique. Leur relation devient très
vite orageuse. En 1872, Verlaine quitte Rimbaud et part à Bruxelles. Peu après,
gagné par l’ennui, il lui demande de le rejoindre. Une altercation éclate et
Verlaine, en état d’ivresse, tire au
revolver sur Rimbaud, qui est légèrement blessé à la main. Cet épisode violent
marque la fin de leur relation. Verlaine
est arrêté, jugé et condamné à 2 ans d’emprisonnement. Au cours de son
incarcération, il est touché par la foi, ses poèmes en témoignent
(« Sagesse »). Ce revirement ne sera que temporaire : Verlaine sera
toujours déchiré entre ses aspirations et ses rechutes dans l’immoralité.
A sa sortie de prison, il part pour l’Angleterre et devient
enseignant (grec, latin, français, dessin). Il
se prend d’une amitié « filiale », certaines sources parlent
d’amitié « ambigüe », pour l’un de ses élèves, Lucien Létinois, âgé
de 18 ans.
Lucien Létinois |
Tous deux s’installent en France, dans une ferme achetée par
Verlaine. En 1883, Lucien meurt d’une fièvre typhoïde. Paul est au fond du gouffre : il boit sans
retenue, mène une vie de débauche. Il s’en va vivre à Paris, s’installe chez sa
mère.
Paul Verlaine |
Mais son alcoolisme le pousse encore à la violence et, et
1885, il tente par deux fois de tuer sa mère : il est condamné à un an de
prison pour coups, blessures et menaces de mort. Paul est libéré après deux
mois de détention, grâce à l’intervention de sa mère, qui décèdera de mort
naturelle l’année suivante. A partir de là,
le poète maudit mène une vie
agitée, habitant par intermittence dans des meublés sordides ou chez des prostituées.
Sa santé se dégrade et il doit maintes fois se faire hospitaliser : il est
atteint de diabète, d’ulcères aux jambes, de syphilis, de rhumatismes. Sa vie
est misérable, il sombre dans la
déchéance. Paradoxalement, c’est à cette époque qu’il devient célèbre. On se
presse dans les cafés où il vient goûter à la fée verte, l’absinthe, la
faiblesse de toute une vie... Pour survivre, il donne des conférences dans les
milieux littéraires, et anime des « mercredis poétiques ».
Paul Verlaine au café |
En 1894, les jeunes lecteurs du « Journal », le
nomment « Prince des poètes ». Cette distinction démontre sa
popularité, il est même devenu un exemple pour la jeune génération. Touchés par
l’extrême dénuement de Verlaine, des amis se cotisent pour lui verser une
rente. En 1896, à 51 ans, une congestion pulmonaire l’emporte. Le jour de ses
obsèques, une foule de 3000 personnes suit le convoi funéraire. Des discours
sont prononcés. Il est inhumé à Paris, dans le caveau familial, auprès de ses
parents.
Petite anecdote : le lendemain de ses funérailles, des
articles sont publiés dans la presse, relatant la chute du bras de la statue de
la poésie qui orne le faîte de l’Opéra,
exactement à l’endroit où le corbillard
de Verlaine était passé quelques heures auparavant…
Paul Verlaine aura écrit de son vivant une dizaine de
recueils de poèmes, tous inspirés de son vécu et de ses expériences
personnelles. Deux recueils posthumes de poèmes érotiques ont également été
publiés.
Si vous désirez entrer dans le détail de la vie de Paul Verlaine,
je vous suggère de vous rendre à l’adresse suivante : http://www.mag4.net/Verlaine/Biographie.html
Le poème :
Ce poème a été écrit en 1874, alors que Verlaine était
incarcéré après avoir tiré sur Rimbaud. Il n’a été publié qu’en 1884 dans le recueil « Jadis
et naguère ».
Ce poème est précurseur du mouvement symboliste. Verlaine tranche avec le carcan du
traditionnel alexandrin, et préconise l’emploi de rythmes impairs et d’une
forme poétique plus libertaire. Il
recherche avant tout, la fluidité du langage, ainsi que sa musicalité. Verlaine
préfère évoquer, suggérer, habiller une idée avec des images ou des analogies,
plutôt que de la délivrer, à nu, sous une forme descriptive. De la demi-teinte,
rien que de la demi-teinte …
J'ai réussi mon exposer sur Paul Verlaine et celui de Arthur Rimbaud grace a vous merci beaucoup
RépondreSupprimerJ'en suis très heureuse ! C'est gentil de vous être donné la peine de laisser ce message...
SupprimerUn grand merci pour votre visite sur "Textes à tout vent" !
Je découvre ce blog à l'instant et je suis impressionné par la qualité de la documentation et de l'écriture. Bravo !
RépondreSupprimerVous êtes trop indulgent...mais votre message me fait vraiment plaisir, je vous en remercie:). Un très bel été à vous!
Supprimerexcellent ça ;)
RépondreSupprimerMerci pour votre visite!
RépondreSupprimerJe suis impressionné par la documentation sur ce blog. Merci beaucoup, cela m'a aidé à faire mon analyse sur ce poème. Bonne soirée :-)
RépondreSupprimer